dimanche 31 mai 2009

Jeju-do


S'il y a un livre qui m'a marquée à tout jamais, dont la poésie raisonne toujours à mes oreilles après des années, c'est Les Nourritures terrestres d'André Gide. J'emporte ce recueil dans tous mes voyages, je lis et relis sans cesse ces lignes sensuelles comme un hymne à la vie et une invitation à la jouissance. Je chéri mon livre jauni, corné et vieilli, un vieu compagnon de route qui nourrit mes rêveries et mes envies de voyages.
Depuis petite j'ai toujours eu tendance à aimer relire certains romans jusqu'à en avoir épuisé toute l'essence. Ce fut d'abord Ramona la peste dont l'effronterie me fascinait du haut de mes cinq ans. Ensuite, Mon amitié avec Tulipe qui reflétait singulièrement ma dangereuse amitié avec A, lorsque j'aurai pu basculer avec elle dans les Paradis artificiels. Plus tard, les romans de Stendhal, dévorés des nuits entières jusqu'à ce que mes yeux se brouillent tellement que les caractères d'imprimerie se fondent dans un brouillard illisible.

La fascination pour la maigreur des romans d'Amelie Nothomb ont mysthifié mes folies alimentaires, les identifications sont parfois dangereuses. A ces éloges de l'ascèse, je préfère décidément les outrances oisives de Gide. J'en ai d'ailleurs trouvé l'incarnation ces derniers jours lors d'un voyage de détente sur l'île de Jeju au sud ouest de la Corée.

Une île volcanique inconnue de tous où poussent à foison des "tangerines" à la peau épaisse et au jus sucré comme on ne peut qu'en rêver, des ananas suaves comme des bonbons et des cactus dont l'eau sert à aromatisé les tablettes de chocolat locales. Le sol volcanique est noir et rocailleux, la mer est bleue azur et des chevaux courts sur pattes transportent des enfants sur leur dos.

Je me suis joyeusement baignée dans la mer fraiche avec mes amis des quatres coins du monde, nous ressemblions à une carte postale de l'UNICEF.

Un voyage riche en couleurs bien trop court.

lundi 18 mai 2009

Pomme

J'ai découvert que Simone de Beauvoir aimait manger des pommes en lisant et que ce petit plaisir semble être partagé par beaucoup de lecteurs. A croire que c'est un état répandu chez les littéraires que d'être des compulsifs du croquage de pommes. Car oui, je croire que mon goût prononcé pour ce fruit relève d'une addiction compulsive, ma consommation de pommes s'élevant facilement à deux par jour et encore je me contrôle. Cela dit c'est toujours moins mauvais que la cigarette, du moins depuis que je ne me nourris plus exclusivement que de ce fruit.
Pourtant petite je n'aimais pas les pommes, et un jour je ne me souviens plus trop ni quand ni comment, une envie subite et d'un coup je ne pouvais plus m'en passer. C'est d'ailleurs un des points commun que j'ai avec mon ami H, lui aussi est un accro des pommes, quand je vais dans sa petite cuisine dont la vue sur le Sacré Coeur m'hypnotise toujours autant, je suis sûre de trouver des grosses pommes bien juteuses que nous croquons de concert. Nous avons fait notre repère du restaurant Pom's tout proche de la Gare Saint Lazare où nous nous rencontrons toujours à l'heure à l'heure pour nos trop rares après-midi parisiennes. Je partage aussi avec cet ami très cher l'amour du vert mais c'est une autre histoire. Je me souviens tout particulièrement, d'une pomme d'amour enrobée de chocolat accompagnée d'un verre de cidre, une superposition de saveurs exquises toutes plus juicyves les unes que les autres.
Je ne sais pas ce que ce fruit a de si addictif, peut être ses couleurs appétissantes, dégradé de rouge au vert. Pour ma part, je n'aime que les rosés ou les rouges. Au pire, en cas de pénurie, je me rabat à regret sur les jaunes dont je trouve la chair trop farineuse et la peau souvent rugueuse et un peu molle. Les vertes trop acides sont trop agressives pour mon palais sucré et leur peaux trop épaisses m'empêche de les croquer à pleine dents comme j'aime le faire. En effet, une grande part de mon addiction vient du geste de croquer la pomme; j'aime entendre ce bruit de la fine peau qui craque et de mes dents qui s'enfoncent dans la chair jaune pâle et acidulée, je le trouve très beau. Une pomme épluchée perd presque tout son attrait pour moi. La pomme m'évoque la liberté, l'affranchissement, la confiance en soi. J'aime tous les symboles de ce fruit: l'interdit, l'amour, la rondeur. En Corée on dit que les femmes de l'ouest sont belles parce que c'est la région des pommes et qu'elles ont les joues bien rondes et roses à force d'en manger.
J'aime manger des pommes en lisant car ce sont deux de mes plaisirs favoris et qu'ils se complètent parfaitement. Je croque un livre comme je croque une pomme. La pomme me donne de l'élan dans la vie. J'adore aussi marcher dans la rue de la musique dans les oreilles en mordant dans une pomme, je me sens alors invincible et pleine d'entrain.
De plus, La pomme est l'un des rares aliments que l'on peut manger d'une seule main en lisant de l'autre.
En Corée comme au Japon, ainsi que tous les fruits, les pommes sont énormes, je n'arriverais parfois presque pas à en venir à bout mais rien ne me résiste en matière de pomme.
Si j'avais le talent de Char, je choisirais la pomme, je m'étonne d'ailleurs qu'aucun de ces poèmes n'y rende hommage. Une ommisision blasphématoire.
Des pommes, du chocolat et du thé, tout comme une de mes héroine d'adolescence qui se prénomme succéssivement au cours du même roman Camille puis Nadine et dont on ne saura finalement jamais le nom, je pourrais en faire mon alimentation exclusive. Comme elle si j'avais un chat, il serait noir et je l'appellerais Mephistophélès. Mes tasses de thé aussi je les oublie à moitié pleine un peu partout sur mon passage. J'aime ces identifications inattendues à la surprise des pages qui tournent, surtout lorsqu'on se retrouve dans ces petites habitudes de la vie quotidienne, ces petits traits particuliers qui nous sont si personnels. C'est comme de découvrir un secret partagée, une intimité nouvelle se construit entre soi et le roman, ses personnages et son auteur. C'est comme ça qu'un roman devient un compagnon de vie dont on aime relire les pages pour accompagner telle ou telle humeur de l'instant.

dimanche 10 mai 2009

Orage











Depuis quelques jours le temps se charge d'une chaude lourdeur qui engourdit l'atmosphère du campus et de la ville. J'aime cette chaleur, elle est comme une invitation à la langueur. A chaque fois elle me rappelle l'Afrique et ses longues après midi à ne rien faire que de jouir du soleil dans les cours en terre ocre, allongée sur des nattes multicolores. Ici, c'est sur l'herbe bien verte et moelleuse des pelouses du campus que je m'allonge, un livre à la main ou avec mon amie C de Tahiti, un jus de melon d'eau bien frais à la main. J'ai quand il y a encore des petits morceaux de fruit qui fondent sous la dent.




Mes yeux ont beaucoup briller durant cette longue fin de semaine. J'ai vu des "rice cake" comme s'il en pleuvait, une farandole de formes et de couleurs: des petites fleurs roses, des tortues vert pistache, des petits oursons jaunes, des grosses boules violettes. J'ai vu des grands monsieurs en décorer de minuscules avec une concentration attendrissante. Pas de grenouille hélas...




J'ai pu créer ma propre glace au parfum de yahourt avec des cassis, des fraises et des framboises et des éclats de pistaches.




Au hasard des rues, près d'un petit temple j'ai assisté à une performance de Taekwendo. Des petites femmes cassaient des planches en bois à la force du poing ou des pieds.




J'ai pris beaucoup de photo en me promenant dans les rues valonnées du nord de la ville. Le soleil dorait mes épaules découvertes, dans ma petite robe rouge je me sentais juste bien. J'ai découvert un beau point de vue sur les toits plats de la villes sur lesquels on peut voir des grosses jarre noires et marron renfermant le kimchi en fermentation pour l'hiver.




Avec C nous avons bu, le soir, beaucoup trop de whisky assise sur la terrasse surélevée d'un café abandonné, un peu de calme dans la vie nocturne survoltée de Seoul. Nous avons parlé de nos vies, des passés parfois lourd mais des avenirs si prometteurs. Nous avons révé, fait beaucoup trop de projets, la liberté qui nous est offerte ici donne des envies de tour du monde, de voyage en transibérien et de vie peuplée de nouvelles rencontres. Tout est possible ici, à l'autre bout du monde, nous sommes hors du temps, c'est la grande pause avant de s'élancer pour de bon vers la vraie vie adulte.




Ce soir, la fenêtre ouverte je respire cette odeur d'été que j'aime tant, j'entends des enfants jouer dans la cour, cette joie de vivre me rend heureuse. J'ai envie de manger une glace à l'eau en les regardant courir dans leurs tee shirts aux couleurs vives. Les enfants coréens sont vraiment très beaux avec leurs cheveux noirs tout raides et leurs fossettes bien rondes sous leurs petits yeux rieurs.




J'ai très envie...je ne sais pas de quoi et c'est encore meilleur.

mardi 5 mai 2009

Sous le soleil...pas exactement

"Allez viendez ma bande! Par ce jour férié ensoleillé allons nous dorer comme des canards laqués sur l'île de Muuido!"
Mais comme l'a très justement fait remarqué mon ami floridien J "Sometimes mother nature is a bitch"...
Nous voilà donc partis, tout en joie sous un soleil éclatant, à l'abordage les petites îles qui bordent la côte nord-ouest de la Corée. Je compte bien anéantir mon rhume qui persiste et, une écharppe bleue autour du coup, je pars à la recherche d'un peu de chaleur et de repos pour me revitaliser.
Car je suis un lezard. J'ai la peau trop sèche et des grands doigts, le soleil est mon élément. Je passe des heures l'été à lire sous le soleil, bien plus souvent, hélas, des manuels de relations internationales que mon adoré Stendhal, et l'hiver est pour moi une longue torture. Malgré mes trois pull, me vestes et mon manteau, le froid semble toujours s'infiltrer par des orifices invisibles. Lors de mon projet de solidarité en Afrique je me sentais juste bien et la seule raison qui pourrait me faire quitter Paris est son temps londonien.
Seul le soleil donc pouvait me guérir d'un rhume tenace qui me ratatinait telle une grenouille toussotante depuis mon retour de Chine.

Après quelques fautes d'orientations qui nous valurent une petite heure supplémentaire dans le métro coréen, nous prenons un bus qui nous mène jusqu'au côtes. Et là surprise et désappointement, que ne voyons nous pas une brume épaisse se profiler à l'horizon. Nous embarquons sur le ferry, la brume s'épaissit au fil des minutes, j'ai l'impression de me retrouver au coeur de l'Ecosse. Nous débarquons sous un vent froid qui glace nos bras nus. En quelques heures la température semble être passée de 25 à 10 degrés. Comment est ce possible?
Nous nous promenons sur la plage dans un brouillard cotonneux, rien est visible au delà de 10 mètres, le sable nous paraît chaud tellement l'air est froid.
Nous rencontrons des coréens ivres qui prétendent être membres du gouvernement et nous invitent à boire du "soju", si c'est le cas le pays est sur une mauvaise pente...
Frisant la congélation, nous décidons de mettre les voiles, nous aurons passé plus de temps dans les transports que sur la plage aujourd'hui.
Rentrée à Seoul, je sors du métro pour me rendre chez mon élève dispenser une heure de tutorat en français. Malgré l'heure tardive, l'air est tiède presque lourd et pas un nuage à l'horizon. J'ai été la victime d'un micro climat vicieux et virulent, hélas je n'ai personne contre qui recourir.
Je ressors de cette aventure encore plus souffrante, j'ai des épines dans la gorge et des bourdons dans les oreilles. Pour me réconforter, je bois une confiture de thé au citron et au miel bien chaude.
Je rirai sûrement de cette mésaventure demain...