lundi 18 mai 2009

Pomme

J'ai découvert que Simone de Beauvoir aimait manger des pommes en lisant et que ce petit plaisir semble être partagé par beaucoup de lecteurs. A croire que c'est un état répandu chez les littéraires que d'être des compulsifs du croquage de pommes. Car oui, je croire que mon goût prononcé pour ce fruit relève d'une addiction compulsive, ma consommation de pommes s'élevant facilement à deux par jour et encore je me contrôle. Cela dit c'est toujours moins mauvais que la cigarette, du moins depuis que je ne me nourris plus exclusivement que de ce fruit.
Pourtant petite je n'aimais pas les pommes, et un jour je ne me souviens plus trop ni quand ni comment, une envie subite et d'un coup je ne pouvais plus m'en passer. C'est d'ailleurs un des points commun que j'ai avec mon ami H, lui aussi est un accro des pommes, quand je vais dans sa petite cuisine dont la vue sur le Sacré Coeur m'hypnotise toujours autant, je suis sûre de trouver des grosses pommes bien juteuses que nous croquons de concert. Nous avons fait notre repère du restaurant Pom's tout proche de la Gare Saint Lazare où nous nous rencontrons toujours à l'heure à l'heure pour nos trop rares après-midi parisiennes. Je partage aussi avec cet ami très cher l'amour du vert mais c'est une autre histoire. Je me souviens tout particulièrement, d'une pomme d'amour enrobée de chocolat accompagnée d'un verre de cidre, une superposition de saveurs exquises toutes plus juicyves les unes que les autres.
Je ne sais pas ce que ce fruit a de si addictif, peut être ses couleurs appétissantes, dégradé de rouge au vert. Pour ma part, je n'aime que les rosés ou les rouges. Au pire, en cas de pénurie, je me rabat à regret sur les jaunes dont je trouve la chair trop farineuse et la peau souvent rugueuse et un peu molle. Les vertes trop acides sont trop agressives pour mon palais sucré et leur peaux trop épaisses m'empêche de les croquer à pleine dents comme j'aime le faire. En effet, une grande part de mon addiction vient du geste de croquer la pomme; j'aime entendre ce bruit de la fine peau qui craque et de mes dents qui s'enfoncent dans la chair jaune pâle et acidulée, je le trouve très beau. Une pomme épluchée perd presque tout son attrait pour moi. La pomme m'évoque la liberté, l'affranchissement, la confiance en soi. J'aime tous les symboles de ce fruit: l'interdit, l'amour, la rondeur. En Corée on dit que les femmes de l'ouest sont belles parce que c'est la région des pommes et qu'elles ont les joues bien rondes et roses à force d'en manger.
J'aime manger des pommes en lisant car ce sont deux de mes plaisirs favoris et qu'ils se complètent parfaitement. Je croque un livre comme je croque une pomme. La pomme me donne de l'élan dans la vie. J'adore aussi marcher dans la rue de la musique dans les oreilles en mordant dans une pomme, je me sens alors invincible et pleine d'entrain.
De plus, La pomme est l'un des rares aliments que l'on peut manger d'une seule main en lisant de l'autre.
En Corée comme au Japon, ainsi que tous les fruits, les pommes sont énormes, je n'arriverais parfois presque pas à en venir à bout mais rien ne me résiste en matière de pomme.
Si j'avais le talent de Char, je choisirais la pomme, je m'étonne d'ailleurs qu'aucun de ces poèmes n'y rende hommage. Une ommisision blasphématoire.
Des pommes, du chocolat et du thé, tout comme une de mes héroine d'adolescence qui se prénomme succéssivement au cours du même roman Camille puis Nadine et dont on ne saura finalement jamais le nom, je pourrais en faire mon alimentation exclusive. Comme elle si j'avais un chat, il serait noir et je l'appellerais Mephistophélès. Mes tasses de thé aussi je les oublie à moitié pleine un peu partout sur mon passage. J'aime ces identifications inattendues à la surprise des pages qui tournent, surtout lorsqu'on se retrouve dans ces petites habitudes de la vie quotidienne, ces petits traits particuliers qui nous sont si personnels. C'est comme de découvrir un secret partagée, une intimité nouvelle se construit entre soi et le roman, ses personnages et son auteur. C'est comme ça qu'un roman devient un compagnon de vie dont on aime relire les pages pour accompagner telle ou telle humeur de l'instant.

1 commentaire:

patoumi a dit…

Décidément, j'aime lire les histoires de pommes et de livres!
J'adore les reines de reinette et les cox oranges, j'aime les petites pommes acidulées...